Bonjour Louis-Marie, peux-tu te présenter aux paroissiens de Saint-Maurille ?
Louis-Marie Plumejeau, je suis issu d’une famille catholique. Ma maman vient de Bourgneuf et mon papa de Saint Laurent-de-la-Plaine, et moi, je suis né le 24 juin 1944 à La Pommeraye.
2 ans après, ma famille arrivait pour s’installer à Chalonnes, car mon papa était embauché chez Monsieur Bernier aux pressoirs Vaslin. Une sœur et deux petits frères m’ont suivi ensuite, qui sont toujours vivants et qui habitent dans les environs de Chalonnes. La famille est donc restée très proche.
J’ai eu la chance d’accompagner mes parents très, très longtemps puisque maman est morte à 98 ans et mon papa à presque 101 ans ! Il avait fêté ses 100 ans avec tous ses enfants et petits-enfants et arrière-petits-enfants !
Mes parents étaient très engagés, à l’époque, dans l’action catholique ouvrière, ainsi que dans la gestion des écoles catholiques de Chalonnes.
Et c’est là que j’ai rencontré une jeune maîtresse qui faisait la classe à mon petit frère !
On s’est mariés avec Blandine en décembre 1965, cela fera 60 dans quelques semaines !
Nous avons eu 3 enfants qui ont maintenant pris leur envol : l’une est à Nantes, un autre est en Australie, il est marié et a 3 enfants, et le 3ème François est viticulteur à Brissac et a 2 enfants.
As-tu une anecdote de ton enfance à nous partager?
Pour moi, une anecdote de mon enfance, outre le fait que j’étais enfant de chœur, c’était les veillées de Noël, les grandes fêtes familiales où l’on descendait du village de la gare, à pied, à minuit, car la messe était à minuit. On était peut-être 150 personnes du quartier de la gare à aller à la messe à Saint Maurille. L’église était archipleine et c’était quelque chose d’exceptionnel. A l’époque notre curé était l’abbé Sourice, un très bon prêtre, et il a été suivi par l’abbé Joulin.
Il y avait 2 paroisses bien distinctes à l’époque en fonction du lieu d’habitation. On habitait dans l’ile de Chalonnes, on était paroissien de Saint-Maurille, on habitait à la Guinière, on était paroissien de Notre-Dame ;
Pour la paroisse Notre-Dame, il y avait un autre abbé dont je ne me souviens plus du nom, et qui habitait dans un autre presbytère, place de l’Establerie, avec à côté la salle de patronage. Chaque curé habitait dans son presbytère.
À l’époque tout se faisait à pied, on allait à l’école à pied, il n’y avait pas de bus.
Voilà, ça a été une très belle enfance.
Et tes études ?
J’ai été à l’école Saint-Maurille pour les garçons (rue Saint-Maurille), tenue par des sœurs; l’école pour les filles était l’école Notre-Dame. Puis, j’ai été à l’école Saint-Joseph, pour le primaire. J’ai un très grand souvenir de toute cette période-là !
Après je suis parti à Mongazon comme interne. On revenait à Noël et à Pâques.
J’ai terminé mes études secondaires à Notre-Dame d’Orveau à Nyoiseau, près de Segré, avant de partir au service militaire.
Quand je suis revenu, j’ai commencé à travailler ; j’ai été 6 mois au Crédit agricole, mais après je suis entré à la mairie de Chalonnes où j’ai passé 12 ans et demi, avant de valider mes diplômes comme secrétaire de mairie à Gesté pendant 8 ans. J’ai ensuite passé 1 année à Chauvigny dans la Vienne, une ville de 7000 habitants, avant d’aller à Avrillé pendant 3 ans comme directeur adjoint de la mairie. Enfin, j’ai terminé ma carrière à Chalonnes, là où je voulais en finir. J’y ai travaillé pendant 12 ans et demi comme Directeur Général des Services, jusqu’à l’âge de ma retraite. Ma carrière est donc bien dans la fonction publique.
As-tu des passions ?
Ma passion, c’est le sport. J’aurais voulu être éducateur sportif, mais comme je suis né avec une double scoliose-lordose, c’était quasiment impossible de partir dans cette voie-là.
J’ai eu la chance de pratiquer beaucoup de sports et même de créer le club omnisports de Chalonnes, le fameux COS, au moment où le collège a été construit avec la salle de sport.
Mon idée, c’était qu’il y ait un club multisports avec cyclisme, athlétisme, volley-ball, basket, karaté, natation… Aujourd’hui toutes ces disciplines existent mais elles se sont individualisées.
J’ai été entraineur de volley-ball, entraineur d’athlétisme et puis footballeur avec le CAC de Chalonnes jusqu’en vétéran.
J’aime également la marche, elle est même devenue une thérapie qui a mis fin à des lombalgies à répétition. Quand je suis parti à la retraite, je me suis mis à marcher ; et plus je marchais, mieux j’étais.
C’est ce qui m’a encouragé à partir à Saint-Jacques-de-Compostelle, à pied, où je voulais arriver le jour de mes 60 ans en juin 2004. Je suis parti seul, je suis plutôt solitaire. Ça ne m’empêche pas de marcher avec des groupes, ou d’avoir créé l’association des « Amis de Saint-Jacques de Compostelle en Anjou » et d’avoir beaucoup marché avec eux, mais personnellement je préfère la marche solitaire.
Je suis donc arrivé à Saint-Jacques-de-Compostelle et c’est en revenant de là-bas que j’ai accepté la mission d’accompagner les familles en deuil.
Pour mes 65 ans, j’avais décidé de repartir à sur les chemins de Compostelle mais par une autre voie, en continuant jusqu’à Fatima, c’est à peu près 2000 km, presque 3 mois de marche, toujours tout seul.
Et c’est en revenant de Fatima que j’ai accepté de devenir officiant laïc, de conduire les sépultures.
Une chose que tu détestes ?
La seule chose que je déteste, c’est d’arriver en retard à un rendez-vous par exemple, et plus particulièrement à la messe. Ah ça, je n’accepte pas d’arriver en retard à la messe !
Quels sont tes services à la paroisse et que t’apportent-ils ?
Le service animateur de chants :
J’ai commencé à animer les chants il y a très, très longtemps, et je continue à l’être pour dépanner à Chaudefonds, à Saint-Maurille, et pour les sépultures également, j’assure l’animation des chants. En fait, je crois que je suis le seul à chanter à chaque fois.
Alors je suis heureux de voir arriver beaucoup de jeunes familles avec beaucoup de talents, en musique, en chant. Donc je me suis mis non pas en retrait définitif, mais je me suis nommé joker, un joker qui peut dépanner en cas d’appel au secours.
Le service accompagnant et officiant laïc sépultures :
J’ai commencé comme accompagnant des familles en deuil, mission que j’ai acceptée en revenant de Compostelle la 1ère fois que je suis parti pour mes 60 ans. C’est le père Jo Bréheret qui m’a appelé à ce service en 2004.
Puis je suis devenu officiant laïc, pour conduire les sépultures, à mon retour de Fatima à 65 ans. Je fais ce service avec beaucoup d’empathie, beaucoup de foi, d’espérance. C’est important d’être auprès des familles quand elles sont dans la peine, d’essayer de leur donner un petit peu de réconfort, à ceux qui croient comme à ceux qui ne croient pas d’ailleurs !
Ça c’est très difficile, c’est vrai. Ça me prend beaucoup d’énergie, mais en même temps, comme je suis un vieux Chalonnais, que les gens m’ont connu travaillant à la mairie, dans les écoles, dans le sport, je reste un ami Chalonnais, et 90 % des sépultures sont celles des amis chalonnais. Il y a un lien de confiance. Ils savent dire qu’ils sont contents quand c’est moi qui fais la sépulture, donc ça veut dire que ça répond à une attente.
Quand on commence le service d’accompagnants de familles en deuil, on reçoit tous une même formation initiale, et pour ceux qui acceptent la mission d’officiants laïc, ils ont une autre formation en plus, qui n’est pas très compliquée, mais qui leur permet de recevoir une lettre de mission de l’évêque pour conduire les sépultures dans la paroisse.
Quand on est sollicité pour conduire une sépulture, on contacte tout d’abord la famille pour préparer la cérémonie. Comme on le dit aux familles, on est là pour les accompagner, les aider, pas pour décider de la cérémonie. C’est leur cérémonie, ce qu’ils désirent pour leur papa, leur maman…On leur apporte réconfort et sympathie, on leur explique aussi que nous, on fait ça parce que l’on croit en la résurrection ; mais chacun est libre d’y croire. Jésus nous laisse libre de conduire notre vie comme on le veut.
On se réunit la plupart du temps au presbytère, mais quelquefois en famille. Et moi, j’aime bien les préparations dans les familles. Parce qu’on est au milieu des gens, de la souffrance, et c’est complètement différent d’une réunion dans une salle du presbytère.
Je visite toujours les personnes décédées, pour moi, c’est incontournable. C’est un respect pour le défunt, la famille et pour montrer qu’on est là pas seulement pour faire une cérémonie, mais pour les soutenir, prier avec eux s’ils en ont envie, ça c’est des moments très forts.
On est 2 pour préparer et 2 aussi pour conduire la cérémonie, plus Jean-Pierre qui nous accompagne à l’orgue, et c’est aussi une grande richesse pour notre équipe.
Quand il y a une sépulture, on arrive ¾ d’heure avant pour tout préparer : allumer les cierges, mettre la sono en place, distribuer feuilles ou carnets de chants, préparer l’eau bénite, l’encens, le cierge pascal, la quête. Ça se fait relativement facilement, c’est une habitude. C’est aussi le temps de se poser avant d’accueillir la famille.
La personne qui accompagne vient chercher le corps en bas de l’église et remonte avec la famille.
L’officiant commente la parole de Dieu ; il y a 15 textes différents soumis au choix des familles, et cela se prépare, on ne peut pas dire n’importe quoi ! Le commentaire me permet d’être plus proche de la famille, et aussi mon attitude, mon sourire, mes pleurs. Pour moi chaque cérémonie est une cérémonie spéciale ; je ne fais pas de copié-collé.
À la fin de la cérémonie, on redescend avec le corps pour accompagner la famille jusqu’au bout. Moi, je poursuis toujours jusqu’au cimetière et quelquefois au crématorium. Ça c’est aussi un geste que les familles apprécient beaucoup. Les pompes funèbres le font très bien, mais je pense que c’est plus notre rôle de chrétiens d’accompagner les familles au cimetière. En Hébreu « cimetière » signifie « maison des vivants » ; et c’est notre rôle de chrétien de continuer à réconforter la famille qui est dans la peine en disant : « Il est en terre, mais il est vivant, il a rejoint le Seigneur ! la vie continue ! »
Pour conduire les sépultures, il y a Bernard Cady et moi, et dans l’équipe d’accompagnants, il y a Bernadette Bernier, Anne-Marie Bernier, Louison Cesbron et Henri Sécher. Donc ça ne fait pas beaucoup, et c’est un vrai problème ! Cette semaine, il y a 5 sépultures, ça veut dire que ça peut revenir très, très vite. Donc, le père Guillaume a raison d’insister et il faut qu’il recommence, car il y a vraiment besoin de bonnes volontés.
Ce service est important dans ma vie, et aussi dans ma vie de couple, parce qu’il faut que mon épouse accepte cette mission ; mais ça ce n’est pas un problème parce qu’elle-même a accepté une autre mission dans la paroisse. On est tous les 2 engagés dans la vie paroissiale tant que l’on pourra. Mais l’âge étant là, il faut envisager de passer le relais, comme je l’ai fait pour l’animation de chants. Mais je ne désespère pas, il faut toujours avoir confiance !
C’est sûr que c’est un service particulier et d’autant plus pour moi qui suis très sensible, très facile à l’émotion, très facile à la tristesse aussi. Ça se ressent, ça s’entend dans ma voix. Mais en même temps, je sais que les familles comprennent que mon attitude est respectueuse, et pleine d’empathie. Je n’ai pas honte de pleurer au cours d’une cérémonie, c’est ma personnalité.
On donne beaucoup mais on reçoit aussi beaucoup dans cette mission. C’est en se donnant qu’on reçoit (Saint François d’Assise !).
As-tu un beau souvenir, une anecdote de ces années de service ?
Une anecdote, c’est quand j’ai été sollicité pour la sépulture de quelqu’un qui avait fait don de son corps à la médecine. On ne peut pas faire de célébration religieuse sans la présence du corps. Sauf que, en accord avec la famille, on a fait une cérémonie dans l’église, mais qui n’avait pas tous les rites puisque le corps n’était pas là.
Par exemple, on ne pouvait pas encenser le corps. On avait la lumière, la croix, les fleurs, les témoignages, des chants, des beaux textes. Et on a fait cette cérémonie-là avec les enfants qui étaient partie prenante, la maman qui était très croyante et le papa pas du tout, mais très engagés dans la vie locale, des gens qui avaient rendu beaucoup de services à la commune et à la paroisse. C’était un moment fort.
C’est une très belle mission.
J’ai aussi plusieurs moments en mémoire où on a passé des soirées à prier avec les enfants autour de la maman qui était morte, avec des textes choisis, de la musique, et c’est beau !
Qu’est-ce qui t’aide à grandir dans ta vie de foi ?
Moi, je suis très François d’Assise ! Sur mon chevet, j’ai la prière de Saint François que je connais par cœur.
Saint-Jacques-de-Compostelle, c’est quelque chose qui a marqué ma vie et qui restera gravé jusqu’à ma mort, parce que là, on est dans la nature, dans la création plus exactement. Le silence, la création, la paix et l’émerveillement.
De savoir s’émerveiller quand tu pars tous les matins avec ton bâton et ton sac devant ce spectacle qui change tous les jours. Et le soir, tu reviens, tu es fatigué mais en même temps, tu as vu tellement de choses, tu as apprécié tellement de merveilles, que ce soit des chapelles, des églises, des statues, des calvaires, des échanges avec des gens rencontrés, c’est une richesse indescriptible !
J’aime marcher seul, car c’est une façon d’être libre, d’exprimer sa gratitude, d’être plus proche de Dieu. Quand Dieu parle, il vaut mieux être en silence.
Mais ce n’est pas parce que je marche en solitaire que j’évite les rencontres, au contraire ! J’ai eu des rencontres très enrichissantes et avec des gens qui n’étaient surtout pas chrétiens et pratiquants, et ce sont eux qui m’ont le plus impacté.
J’ai vécu des choses qui m’ont profondément marqué. Fatima en fait aussi partie !
Je me vois tout comme Saint-François d’Assise : le petit oiseau qui chante, la fleur qui s’épanouit le matin au soleil, c’est Dieu ! Je m’émerveille de tout ce que je vois.
Je rends grâce pour tout ce que j’ai reçu et pour ce que je reçois encore.
Y a-t-il quelque chose que tu as envie de partager avec les paroissiens de Saint-Maurille ?
Je finis en partageant 2 phrases que je cite souvent aux sépultures :
« La vraie mesure de l’amour c’est l’amour sans mesure.» (Saint Augustin)
« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie. » (Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus)
Merci, Louis-Marie, pour ton témoignage émouvant et fort ! Cela nous permet de mieux te connaître.
Merci pour ton engagement dans cette mission auprès des familles en deuil que tu prends tant à cœur, et merci pour tous les services rendus à la communauté paroissiale.
